Spécimen populaire de philosphe-guérisseur |
Philosophe-médecin qui s'ignore |
« Je proposerais
quant à moi de distinguer entre deux sortes de philosophes :
l'espèce des philosophes-guérisseurs et celle des
philosophes-médecins. Les premiers sont compatissants et
inefficaces, les seconds efficaces et impitoyables. Les premiers
n'ont rien de solide à opposer à l'angoisse humaine, mais disposent
d'une gamme de faux remèdes pouvant endormir celle-ci plus ou moins
longtemps, capables non de guérir l'homme mais suffisant, dirais-je,
à le faire vivoter. Les seconds disposent du véritable remède et
du seul vaccin (je veux dire l'administration de la vérité) ; mais
celui-ci est d'une telle force que, s'il réconforte à l'occasion
les natures saines, il a pour autre et principal effet de faire périr
sur-le-champs les natures faibles. C'est d'ailleurs là un fait
paradoxal et remarquable, quoique à ma connaissance peu remarqué,
et aussi vrai de la médecine que de la philosophie : de n'être
opératoire qu'à l'égard des non-malades, de ceux du moins qui
disposent d'un certain fond de santé. De même que la philosophie
crédible n'est entendue que par ceux qui la savaient un peu à
l'avance et n'en ont ainsi pas vraiment besoin, la médecine ne peut
et ne pourra jamais guérir que des bien-portants. »
Clément Rosset, Le
principe de cruauté (p. 31-32)
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